par Mathieu Richard Une page blanche. Une Carte. Un itinéraire des tous les possibles ? Personne ne saurait dire où tout ceci nous mène. Impossible de tracer un quelconque itinéraire car la carte est une page blanche. Nous avons eu tout le temps de nous perdre, emmenés par le courant du passé ; nous tentons à grande peine de déterminer notre situation car l’histoire, notre histoire, bouillonne dans le flot indistinct de l’information. Seule certitude, nous sommes ici, à l’extrémité d’un chemin emprunté par d’autres. Nous regardons en arrière pour comprendre d’où nous venons mais les traces de nos prédécesseurs ont été effacées par une épaisse neige d’évènements tombée en masse médiatique. Le point rouge au bout duquel est inscrit « vous êtes ici » est au milieu d’une étendue qui pourrait tout aussi bien être une feuille ou une toile, un endroit comme un autre où s’est posé le pinceau pour peindre le monde. Le peintre lui-même ne connaît le dessein de ses gestes mais se saisit à chaque instant d’une certitude : l’énergie du mouvement, « on y va ». Diego Movilla est d’origine espagnole et Sanjin Cosabic est d’origine bosniaque. D’un point de vue formel, la légèreté de l’un s’adosse à la gravité de l’autre. Les lieux comme les formes semblent éloigner ces deux peintres, mais ce ne sont pas d’insurmontables antagonismes qui font l’objet de leur exposition commune au sein de l’ école supérieure des beaux-arts de Tours Angers Le Mans, site de Tours, ce sont bien plutôt les cordes tendues entre ces différences pour que résonne la mélodie d’un temps qui leur est commun. Le temps lui-même semble bien se foutre éperdument des différences et nous entraîne comme un seul homme, alors « on y va ». Les évènements d’aujourd’hui s’inscriront dans l’histoire de demain. La peinture qu’elle soit figurative, abstraite, impressionniste, expressionniste, surréaliste ou même hyperréaliste, procède par effet de ressemblance plus ou moins fidèle à un sujet, à un sentiment ou à un concept. La particularité des travaux de Diego Movilla et de Sanjin Cosabic réside dans le fait qu’ils ne procèdent pas d’un effet de ressemblance mais d’un effet de mimétisme d’une société en constante mutation dont ces deux artistes ainsi que leurs travaux sont parties intégrantes, révélant une forme de la conscience citoyenne. En effet, la contemporanéité de la société que nous expérimentons implique nécessairement un perpétuel devenir qui efface l’image pour la reconstruire. Ainsi, la peinture des deux artistes ne visent pas à fixer des positions mais rend compte d’un insaisissable qui s’inscrit entre disparition et apparition. Car il n’est pas de trace nouvelle qui n’efface ce qui l’a précédé quand bien même serait-ce le vide, « on y va ». L’effacement et la disparition opposent la nostalgie qu’ils suscitent aux promesses dont ils sont le préambule. De la rencontre des travaux de Diego Movilla et de Sanjin Cosabic émane une énergie qui génère l’élan ; comme l’indique le titre du documentaire réalisé par Julian Temple au sujet de Joe Strummer, leader des Clash The future is unwritten. Au fond, peut-être nous importe t-il bien peu de savoir où mène la création, si nous, étudiants, artistes, citoyens marchons c’est parce que l’immobilisme est le seul chemin qui ne mène nulle part, alors « on y va ». ON Y VA